====== Ibn Khaldoun : « Le prestige d'un lignage ne dure que quatre générations » ======
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> Le prestige (//hasab//) n’est qu’un accident (//‘arad//) qui affecte les hommes. Il naît et meurt, obligatoirement. Il n‘existe personne dont la généalogie remonte, sans brisure, à Adam lui-même, à l’exception du Prophète — par un effet de la grâce divine et pour préserver son caractère.
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> La noblesse commence par un état “extérieur” (//khârij’î//) à elle-même et au commandement, par une position médiocre et sans prestige. Autrement dit, avant noblesse et prestige, il n’y a, d’abord, ni l’un ni l’autre.
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>A la fin, le prestige d’une famille s’éteint au bout de quatre générations (//abâ'//). En effet, le glorieux fondateur connaît le prix de son œuvre et sait maintenir les vertus qui ont créé sa gloire et l’ont fait durer. Son fils procède directement de lui : il s’est instruit auprès de son père. Mais il ne vaut pas son père, parce que celui qui apprend par l’étude est inférieur à celui qui s’est formé par l’expérience. A la troisième génération, on se contente d’imiter et de se reposer sur le principe d’autorité (//taqlîd//). C’est le cas du petit-fils, qui est inférieur à son père, comme l‘aveugle traditionaliste (//muqallid//) l'est à celui qui exerce son effort de réflexion personnelle (//mujtahid//).
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> La quatrième génération est inférieure, à tous points de vue, aux trois autres. L'arrière-petit-fils a perdu les qualités glorieuses de ses aïeux. Il les méprise, même, ne se doutant pas des efforts persévérants qui ont construit sa “maison”. Il croit que l’édifice de sa famille tient exclusivement, dès le début, à sa noble origine, et non aux efforts de son clan et aux qualités individuelles. Devant le respect qu’on lui accorde, il ignore les raisons premières qui l‘ont fait naître. Il croit que c’est la noblesse de son sang. Il tient ceux de son clan à distance, se croyant supérieur à eux. Il se croit né pour commander, sans penser aux vertus qui commandent l'obéissance : à savoir l’humilité et le respect pour leurs sentiments. Il méprise les siens qui, à leur tour, le méprisent et se révoltent. Ils lui enlèvent le pouvoir et le transfèrent à une autre famille, en accord avec leur esprit de clan, après s’être assurés des qualités du successeur. Celui-ci voit alors grandir sa famille, tandis que décline celle du fondateur, dont la « Maison » s'effondre.
> Ibn Khaldun (1332-1406)\\ //Discours sur l’histoire universelle : al-Muqaddima.//\\ Traduit par V. Monteil. Paris: Sinbad, 1978, pp. 271-272.
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