===== Question du social… ===== //Le rôle des interactions dans la structuration du social// : voilà la question théorique de départ, telle que je l’ai formulée au cours de mon second séjour, l’année de mon DEA (2004-2005). Disons que tu observes une frontière sociologique entre un milieu A et un milieu B. La société est-elle réellement composée //a priori// d’individus de type a et d’individus de type b ? Ou bien les individus //deviennent-ils// de type a ou b au fil des interactions ? Peut-on dire que les interactions //construisent// les structures sociales ? Ou bien les interactions sont-elles construites par ces structures ? (Voir l'introduction du livre //[[fr:comprendre:processus:jeux_d_echelles|Jeux d'échelles : la micro-analyse à l'expérience]]//, Seuil 1996). Sortant de ma formation de physicien, cette question était la seule qui faisait sens pour moi intellectuellement, par analogie avec la physique des transitions de phase[[fr:glossaire#transitions de phase|*]]. Mais c’est aussi une question centrale des sciences sociales, aussi bien en anthropologie (//Les groupes ethniques et leurs frontières//, ouvrage classique de Fredrik Barth en 1969) qu’en sociologie (interactionnisme) et en histoire (Norbert Elias, courants de la //microstoria// italienne). Donc j’avais rencontré ces questions constamment au cours de ma formation, aussi bien à Nanterre qu’à l’ENS. En fait depuis la décision de me reconvertir (automne 2001), j’avais passé mon temps à reconstruire les modèles que l’on me proposait, en arrière-plan dans mon cerveau de physicien, indépendamment de toute confrontation au terrain. C’est seulement lors de ce second séjour à Taez (2004) - beaucoup plus calme que le premier… - que je commence à reprendre systématiquement ces questions d’échelles, et à les articuler en termes d’observations. ===== …coloration du genre ===== Mais je devais également, outre cette formation en sciences sociales généralistes, m’inscrire dans le champs plus spécifique des études arabes. Il fallait que ma question soit intelligible aussi pour mes interlocuteurs dans ce domaine, où les chercheurs ne sont pas forcément légion, et même s’ils ne partageaient pas mes orientations théoriques. J’avais déjà la chance de travailler sous la direction d’une chercheuse exceptionnelle, historienne et anthropologue. Et voilà qu’au printemps 2005, [[fr:explorer:auteurs:jocelyne_dakhlia|Jocelyne Dakhlia]] publie //L’empire des passions//, un livre sur la dimension homoérotique[[fr:glossaire#homoerotisme|*]] de la culture politique arabe classique… Dans ce contexte, j’ai progressivement « habillé » d’une dimension genrée ma question théorique initiale. Je l’ai fait pour mieux articuler mes recherches à celles de ma directrice (après une soutenance de DEA, en septembre 2005, qui avait été assez mouvementée…), mais aussi pour des raisons plus profondes : * Premièrement, j’allais garder les schémas explicatifs que j’avais dans la tête (notamment le modèle d’Ising[[fr:glossaire#modele_d_ising|*]] d’un gaz de spins) et la dimension genrée allait me permettre de les rendre plus visibles et plus explicites (le masculin/féminin prenant la place de l’orientation du spin, positive ou négative). * Deuxièmement, j’allais ainsi pouvoir intégrer la dimension réflexive, qui avait été centrale dans mon premier travail (dirigé par [[fr:explorer:auteurs:florence_weber|Florence Weber]]). Pour ces deux raisons, la tentation était trop grande de m’aventurer dans ce domaine. D'où le sujet de thèse : Le rôle des interactions //genrées// dans la structuration du social. Bien sûr, je doutais de la scientificité des études de genre : en tant que physicien, pour rien au monde je ne serais allé m’enfoncer dans cette galère… Mais physicien, je ne l’étais déjà plus vraiment : déjà je ne comprenais pas tout ce que j’avais vécu, tout ce que j’avais fait, j’étais confronté à ma propre opacité ([[fr:explorer:auteurs:jeanne_favret-saada#etre_affecte|Favret-Saada 1990]]). La galère à ce stade, j’y étais de toute façon, et j’étais prévenu par la méthodologie. Je n’avais d’autre choix que de me retrousser les manches, en physicien et en ethnographe : ramener la question de la scientificité à celle du genre, et celle du genre à la scientificité. [[Accueil]]