====== Reprise de l’histoire ====== (dans le cadre du projet [[.:|Localiser le sionisme musulman]]). 27 juin 2025 //En quoi la notion de sionisme musulman rend-elle plus intelligible l’histoire de mon enquête au Yémen, longuement évoquée sur ce site (voir la section ''[[fr:Comprendre:]]'') ? En quoi cette histoire enrichit-elle la notion en retour ?// Au fond, le sionisme[[..:..:..:glossaire:sionisme|*]] à toujours été dans l’histoire : dès mes premiers pas au Yémen, dans le type de rapports que j’espérais nouer avec les Yéménites, en lien avec mon projet d’enquête. Je pense à un chrétien évangélique qui part mener son pèlerinage en Terre Sainte, mu par un enthousiasme absolu pour l’État d’Israël, mais qui n’a aucune intention de se convertir au judaïsme. Eh bien ma posture était un peu la même, je superpose facilement les deux images. J’étais galvanisé par les sciences sociales : mon intérêt pour le Yémen s’inscrivait dans ce cadre « laïque », que je défendais fermement. La //configuration//[[..:..:..:glossaire:configuration|*]] elle-même était sioniste : d’abord dans ma propre subjectivité, ensuite chez ceux qui ont accepté d’entrer dans ce rapport, et qui sont légion. En ce qui concerne [[fr:comprendre:personnes:Ziad]], il a toujours été ambivalent envers les sciences sociales : il moquait souvent mon zèle de nouveau converti, mais en même temps il reconnaissait là une logique puissante, dangereuse, qui risquait bien de l’engloutir aussi (il l’a exprimé dès mon premier séjour).\\ Autour de nous, quelques Yéménites étaient sensibles à ce drame, surtout parmi ses amis d’enfance. Mais il y a toujours eu aussi des cohortes de Yéménites, pour qui la collaboration aux sciences sociales ne posait absolument pas problème, qui acceptaient cette règle du jeu comme une sorte de sport… - des Yéménites « Sabra » en quelque sorte ([[wpfr>Sabra (Israël)|fr]] / [[wp>Sabra (person)|en]]). Cette configuration « sioniste » était évidente, mais ma propre motivation venait de plus loin, j’en avais parfaitement conscience aussi. Il y avait eu la mort de mon père quatre ans plus tôt, ce nœud intime étroitement lié à l’apprentissage de l’arabe ([[fr:comprendre:moments:accueil#1999]]), qui me travaillait constamment depuis. À l’heure de m’aventurer dans ce piège, c'était pour moi une sorte de boussole. Et c’est sans doute ce qui explique mon passage à l’acte d’[[fr:comprendre:moments:accueil#octobre 2003]], après le volte-face de la société locale ([[fr:comprendre:moments:printemps_arabe_dans_un_verre_d_eau|« petit printemps arabe dans un verre d’eau »]]). Cette transaction sexuelle était la seule manière de sauvegarder mon intuition de toute cette affaire, d’accuser leur « sionisme » en leur mettant le nez dans la merde, dans //ma// merde. Après quoi je perds connaissance ([[fr:comprendre:moments:accueil#juin 2004]]). À ce stade de l’enquête, on ne peut pas encore parler de « sionisme musulman », si ce n’est dans la subjectivité de l’enquêteur, dans la configuration bien particulière du rapport d’enquête. Les contours de l’objet ne se révèlent à moi que progressivement, à travers mes efforts ultérieurs pour démêler cette histoire, auprès de cette même société. Dans le fait qu’il n’ait jamais été possible de nommer l’incident - seulement de le désigner de manière oblique, à travers des formes d’humour ou de sous-entendus, mais impossible de déplier le quiproquo rétrospectivement, d’en établir une description objective dans le langage des sciences sociales… - il se manifestait là quelque chose d’un //régime//[[fr:termes:nizam|°]], indissociablement politique (au Yémen) et épistémologique (dans les sciences sociales françaises), avec lequel je me débattais au fil de mes allers-retours. Un régime délocalisé par nature, tout comme l’alliance sioniste euro-israélienne (ou entre Israël et les États-Unis). C’est d’ailleurs pourquoi lors de ma conversion à l’islam ([[fr:comprendre:moments:accueil#septembre 2007]]), il n’y a pas eu de cérémonie. Ziad venait de disparaître en prison, il était évidemment hors de question d’organiser une cérémonie (sioniste) sous la caméra des sciences sociales. Je me suis converti tout seul devant mon ordinateur, dans ma chambre au dernier étage de l’hôtel du carrefour, d’où je pouvais tutoyer simultanément les deux sphères - le seul endroit où cela avait un sens de prononcer la double profession de foi. Puis sur le carrefour, j’ai répété la phrase à ceux qui me le demandaient, mais il était hors de question d’oublier toute l’histoire en amont. Qu’il y ait eu là une part de défiance à l’égard de la société locale, c’est bien évident, mais ça n’invalide en rien la conversion - tant qu’il n’y a pas de défiance envers Allah ! Voir là un vice de forme, c’est précisément là qu’est le réflexe sioniste. Je ne pense pas qu’Omar ibn al-Khattab (qu’Allah soit satisfait de lui) lorsqu’il a accepté l’islam, se soit décomposé devant toute la société Mecquoise, qu’il soit allé baiser les pieds des personnes avec lesquelles il était en différend - si ce n’est sur le plan très précis de l’attestation de foi. Mais les sionistes conçoivent la conversion comme l’entrée sur un territoire nouveau, dont ils seraient les seuls gardiens. Encore aujourd’hui, je suis comme tel migrant entré illégalement sur le territoire national, dont la régularisation est perpétuellement repoussée par une administration bornée. On refuse que Vincent ait une histoire, et que [[fr:comprendre:personnes:Mansour]] ne soit qu’un nom d’emprunt. Or refuser que la conversion s’effectue dans un contexte - ou exiger qu’elle soit à elle-même son propre contexte - cela revient à évacuer Allah, l’Omniscient et l’Omnipotent, contexte de tous les contextes. Donc je persiste et signe : oui bien sûr, ma conversion était une redite du geste d’octobre 2003. Et ce dossier (« localiser le sionisme musulman ») est une redite de tous ces gestes-là. Accueil [[.:|sionisme]]  /  [[..:#Sionisme|Retour]]\\ ''fr:modele:matrice:sionisme:reprise''