Notion autour de laquelle j'ai réorganisé ma thèse dans les premières années (2005-2006), que j'ai maintenu au centre de mon travail jusqu'à l'abandon du cadre académique (2013), et que je réinvestis aujourd'hui.
(Rédigé le 13 mars 2022).
↳ 2023 : voir aussi l'entrée du glossaire, où je bascule finalement vers la notion d'intersexuation
La notion d'homoérotisme comporte une part d'ambiguïté intrinsèque. Elle peut ouvrir un espace de réflexion, ou au contraire fermer toute possibilité de dialogue, selon le cadre et la manière dont on l'utilise.
La jonction ne s'est pas faite entre ces deux promesses, qui en ce sens n'ont pas été tenues, ce dont découle la situation actuelle. Il m'a fallu en prendre acte à un certain stade, et c'est tout mon travail depuis 2014 et mon installation à Sète : reconstruire un espace, un cadre intellectuel, dans lequel ces promesses redeviennent concevables.
Au départ, j'emprunte la notion d'homoérotisme à Jocelyne Dakhlia, qui a été ma directrice de recherche à partir de 2004. Seulement dans le cadre de cette direction, il m'est apparu concevable de m'aventurer sur le terrain des études de genre, malgré un a priori défavorable envers ce champs d'études (voir ici).
Chez Jocelyne Dakhlia, l'homoérotisme est un opérateur historiographique, dont les enjeux sont expliqués dans l'article de la revue Annales « Homoérotismes et trames historiographiques du monde islamique » (2007), une recension de ces quatre ouvrages :
Dans son livre L'Empire des Passions (paru en 2005), l'objet n'est pas simplement d'insister sur la banalité des passions en terre d'islam, comme on pourrait peut-être le croire : le livre ne passe pas 300 pages à entasser des histoires passionnelles, du IXème au XIXème siècle. Il se focalise plutôt sur une seule histoire : la relation fusionnelle et orageuse entre le Calife Haroun al-Rashid et son ministre Ja'far le Barmécide (voir Wikipedia).
De cette histoire fondatrice de la culture politique arabe, Jocelyne Dakhlia ne prétend pas dire la vérité, ni statuer sur une éventuelle dimension “homosexuelle”. Elle se contente d'observer comment les érudits de chaque période historique évoquent cet épisode, soit l'évolution du dicible.
Résumons à gros traits :
La lecture du livre, à l'automne 2005, ne pouvait que me renvoyer à l'intrigue de mon premier séjour (deux ans plus tôt) : comment dès notre rencontre, la relation avec Ziad s'était chargée d'une dimension “homoérotique”, dans le regard des autres et en nous mêmes. Ambivalence que j'avais finalement échoué à gérer, puisque Ziad avait finalement perdu la face et s'était retiré, dès la fin du mois de septembre.
Comment avais-je fait perdre la face à mon Calife, à mon allié? Telle était la question centrale de mon enquête - non pas le passage à l'acte d'octobre 2003, que j'ai finalement rendu public ces toutes dernières années (depuis décembre 2017). Ce passage à l'acte n'avait été qu'un noeud dans le mouchoir ou un « pied dans la porte » en quelque sorte, et je n'avais pas besoin d'y revenir. Et l'affaire exhumée en 2018, la pseudo-tentative de viol du 29 septembre, m'a simplement permis de le redécouvrir.
L'échec de mon alliance avec Ziad était plus qu'un incident, parce qu'elle n'était pas réparable : ni pour moi et ma démarche, ni pour Ziad et sa famille. Elle était l'indice d'un basculement à venir, qui engloutissait soudain l'horizon.
Lors de mon troisième séjour (février-juillet 2007), je prolonge cette réflexion à travers une étude de la vulgarité sur le carrefour, avec apprentissage des joutes homoérotiques par « observation participante », sous le patronage d'un nouvel allié, Lotfi. Démarche qui fera sortir Ziad de ses gonds, aboutissant aux drames de l'année suivante, à ma conversion à l'islam et finalement à mon retrait. Mais il faut garder à l'esprit les circonstances, à mon retour en 2006 :
Étant donné ma conscience des enjeux, je n'avais pas vraiment d'autre choix que de rester au Hawdh al-Ashraf, là où on se souvenait de l'histoire, pour remuer le couteau dans la plaie. Ou alors j'oubliais tout, et j'enterrais cette intuition d'un basculement possible, qui m'avait toujours animé.
Au terme de mes péripéties sétoises depuis 2014, comment puis-je ré-investir aujourd'hui cette notion d'homoérotisme?
SECTION EN CHANTIER
Voir la page : Islam et homosexualité : mon interaction avec Ludovic-Mohamed Zahed
Voir la page Vulgarité intellectuelle
Pourquoi le projet intellectuel des sciences sociales n'est pas viable sans une forme minimale d'engagement avec le réel, et en même temps un souci de soi : une circoncision du coeur.
2023 : je construis la notion d'intersexuation