L'islam et la cécité des institutions

(ex-conclusion de la resume).

Quels liens existe-t-il entre l'évolution de Ziad et mon enquête sur le carrefour du Hawdh? Le principe de l'ethnographie réflexive, c'est de ne pas mettre cette question sous le tapis. Pour autant il n'y a pas de réponse simple. Je peux vous parler de ma honte, mais ma honte ne vaut pas rapport de causalité, seulement une vague conscience.

Gregory Bateson, l'un des premiers théoriciens de la crise écologique, disait il y a cinquante ans :

« Les grands problèmes du monde résultent de la différence entre comment la nature fonctionne et comment les gens pensent. »

Mais l'époque de Bateson ne connaissait pas en plus la question djihadiste, et je proposerais volontiers cette reformulation :

« Les grands problèmes du monde résultent de la différence entre comment les gens pensent selon qu'ils sont ou pas dans les institutions. »
Le triangle de l'enchantement ethnographique

Je l'ai compris d'abord en 2008, pour ce qui concerne la société yéménite, en formulant mon petit théorème de l'enchantement ethnographique : « Face à l'observateur occidental, il y a toujours un Yéménite qui prend la pose et un Yéménite qui vend la mèche ».
En 2011, les Yéménites ont voulu arrêter de jouer à ce jeu-là. Ils n'ont pas réfléchi que pour l'Europe, ce jeu n'en était pas un.
Pourtant ils auraient pu le déduire, de mon comportement à tous les stades de cette histoire, et de ma fierté persistante. Mais une communauté musulmane qui n'écoute pas l'expérience des convertis - qui les utilise au mieux comme faire-valoir, au pire comme chair à canon - finit toujours par perdre conscience du monde.

Aujourd'hui, nous subissons tous les conséquences. Partout, l'inertie des institutions “à l'européenne” n'est plus supportable, et le mécontentement gronde. Ceci parce que ces institutions sont beaucoup plus lourdes, elles sont “orientées”. Dépendantes de l'Orient sans le savoir, en voulant bien l'admettre mais pas le voir vraiment : elles valorisent la foi aveugle de leurs membres. Tout cela repose sur une sorte de pacte, qui doit être renouvelé périodiquement, dans les transitions historiques comme celle que nous traversons.

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