Bateson et l'Évolution

« Le rôle des changements somatiques dans l'évolution »,
publication originale en 1963 dans la revue Evolution.

Gregory Bateson revisite ici, à la lumière de la cybernétique*, les problèmes qui obsédaient son père, le généticien William Bateson (1861-1926) : le débat entre les conceptions Lamarckienne et Darwinienne de l'hérédité.

Résumé
(reproduit à la fin de l'article) Nous avons utilisé ici une méthode déductive. Partant des prémisses classiques de la physiologie et de l’évolution, et leur appliquant les modèles fournis par la cybernétique, nous avons montré qu’il existe à coup sûr une économie de la souplesse somatique, et que cette économie devient, à la longue, coercitive pour le processus d’évolution. L’adaptation à l’environnement par mutation ou par redistribution des gènes, telle qu’on la conçoit habituellement, épuisera inévitablement la souplesse somatique dont dispose l’organisme. Dans ce cas, et si l’évolution doit être continue, il doit exister également une autre classe de changements génotypiques, qui augmentent la souplesse somatique.

En général, les changements obtenus par la voie somatique sont peu économiques, parce qu’ils recourent à l’homéostasie, c’est-à-dire à l’ensemble des circuits de variables interdépendantes. ll s’ensuit que l’hérédité des caractères acquis serait létale pour le système évolutif, parce qu’elle fixerait les valeurs des variables, tout au long des circuits. En revanche, les organismes ou les espèces trouveraient des avantages (du point de vue de la survie) à des modifications génotypiques qui simuleraient l’hérédité lamarckienne, c’est-à-dire à des modifications qui feraient apparaître la composante adaptative de l’homéostasie somatique, sans faire appel à l’ensemble du circuit homéostatique. Une telle modification (appelée à tort l’« effet Baldwin ») accroîtrait la souplesse somatique et aurait, ainsi, une grande valeur de survie.

Pour finir, nous avons émis l’idée que c’est exactement le contraire qui se produit lorsqu’une population doit s’acclimater à des tensions variables. Dans ce cas, la sélection naturelle devrait favoriser un anti-effet Baldwin.

Sur les querelles entourant l'enseignement de la théorie de l’Évolution dans un cadre scolaire, on pourra également lire cette courte prise de position de Bateson, relativement ouverte…

2024-02-02

Place dans ma recherche

En août 2008, je demande à ma tante de m'apporter au Yémen le deuxième tome de Vers une écologie de l'esprit, peu utilisé par les anthropologues, mais qui s'ouvre par les études de Bateson sur la schizophrénie. Ziad est sur le point de sortir de prison, et j'ai l'espoir d'en tirer quelques pistes pour gérer cette situation. En pratique, difficile d'appliquer au contexte yéménite ces études, menées dans l'Amérique des années 1950, et qui me laissent un peu perplexe. Mais je poursuis la lecture du tome 2, et j'ai une illumination en découvrant ce texte. Sur un plan métaphorique, j'y retrouve ce que j'essayais alors de faire à Taez, à propos du rôle de l'homoérotisme* dans l'histoire sociale. Cette « divine surprise » fera de moi un batesonien*

Rodney E. Donaldson, élève de Bateson et éditeur de ses textes posthumes, souligne la place nodale de ce texte :

« J'ai été fortement tenté de reprendre, dans ce volume, l'article “Le rôle des changements somatiques dans l'évolution”, déjà publié dans Vers une écologie de l'esprit ; si je devais recommander au lecteur un texte supplémentaire, c'est celui-là que je conseillerais ; je considère de plus en plus ce texte comme un des pivots de l'épistémologie batesonienne, pour autant qu'on le lise à un niveau suffisamment métaphorique. Le lecteur perspicace pourra cependant déceler une version antérieure du thème de cet article dans “Nouveau cadres conceptuels pour les recherches sur le comportement”, qui est repris ici. »

Une Unité sacrée. Quelques pas de plus vers une écologie de l'esprit,
(p.26, “Note de l'éditeur concernant le choix et l'agencement des textes”).

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