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Un enterrement de première classe
En juin 2004, j’ai soutenu une maîtrise d’anthropologie intitulée : « Le “Za’im” et les frères du quartier. Une ethnographie du vide ». Le jury était assez enthousiaste - « Un anthropologue est né ! », avait lancé Jean-Charles Depaule1)… - et m’a accordé une mention Très Bien. Ma reconversion aux sciences sociales était réussie. À l’automne suivant, je me suis inscrit avec Jocelyne Dakhlia, historienne et anthropologue de formation littéraire, qui a dirigé mon travail avec exigence jusqu’en 2012.
Avec le recul, l’enterrement de ce premier mémoire me semble lié à un double non-dit : aux circonstances de mon passage à l’écriture (octobre 2003), sur lesquelles j’ai beaucoup écrit ces dernières années, mais aussi à la mort de mon père physicien, survenue cinq ans plus tôt (1999). À travers ce mémoire, j’ai enterré une certaine manière de faire science, avec laquelle je savais qu’il me fallait rompre. Je suis revenu sur le terrain en homme totalement libre, et j’ai passé les années suivantes à déconstruire une hypothèse sociologique binaire (rouge/bleu), qui avait été la clé de voûte de cette argumentation. Quant à la problématique du charisme et du leadership (za’âma), je ne l’ai jamais vraiment retravaillée, en tous cas pas de cette manière. C’était pourtant le coeur de mon travail et j’y avais investi toute mon âme, mais il m’était impossible de me relire : je n’étais plus la même personne.
Ces jours-ci je suis d’humeur casanière. Il me prend l’envie d’exhumer ce mémoire et de l’habiter à nouveau : comme dans une vieille maison, ouvrir les fenêtres et laisser rentrer la lumière. J’ai à peine commencé à me relire, je suis loin d’avoir ouvert toutes les pièces, et je ne sais pas encore ce que je vais trouver. J’ai juste un pressentiment : ce que j’ai tenté d’exprimer inlassablement ces dernières années, je pourrais bien l’avoir déjà écrit là.