Sur le monde contemporain, sur son histoire et le moment historique que nous traversons, je propose au lecteur une perspective renouvelée (épistémologique*) - s'il consent à m'accompagner dans le double engagement qui est le mien depuis vingt ans :
En effet, au nom de la laïcité et au nom de la foi, on demande généralement aux musulmans de :
Cette contrainte, nous savons parfaitement nous y plier, mais ce n'est franchement pas très intéressant…
À l’origine, il y a une démarche postulant l’égalité épistémique entre les partenaires de l’interaction ethnographique* (anthropologie symétrique) :
Mise en pratique dans la société yéménite à partir de 2003, cette démarche se concrétise chez l’enquêteur par deux circonstances marquantes :
Ces deux circonstances découlent de l’engagement initial. Elles ne relèvent donc pas d’un « cheminement personnel » du chercheur, mais de son exposition aux contraintes structurelles de l’engagement ethnographique :
Je me suis abstenu d’insister sur ces deux circonstances pendant de nombreuses années, mais la restitution de cette expérience ethnographique s’est constamment heurtée à deux mythes, ou prétentions totalisantes, qui structurent par défaut les sphères d’argumentation :
Cette habitude de juxtaposer les registres, plutôt que de les articuler, nous a enfoncé dans une impasse. Il est peut-être temps d’en prendre acte, à l’heure où la guerre d’Ukraine met à mal nos alliances géostratégiques au Moyen-Orient.
Sur le fond, cette habitude contredit à la fois la tradition intellectuelle de l’islam et la tradition scientifique dont nous sommes tous les héritiers : il faut penser les deux trahisons ensemble, quand les imposteurs insistent sur l'une ou sur l'autre pour leur fond de commerce. Peu à peu, la laïcité comme l'islam finissent par tourner à vide, ce qui est pire que tout.
Opérer des arbitrages entre des prétentions discursives contradictoires, pour les réinscrire dans un monde en commun, c'est précisément l'intérêt de l’engagement ethnographique. L’insistance sur ces deux circonstances est inconfortable à bien des égards, mais elle a l’avantage d’aller à l’essentiel, de désamorcer d’emblée ces prétentions discursives, pour frayer un chemin vers le réel à travers la complexité.