Un an plus tard à l’automne 2001, ma vie a totalement changé. Une jeune fille y a contribué - pour tout dire un peu à son insu : une étudiante étrangère de formation littéraire, rencontrée au cours d’arabe, qui participe au mois de juillet à notre séjour linguistique au Yémen. La dernière nuit avant mon vol retour, nous mâchons le qat ensemble sur la terrasse d’une maison tour. Je la revois à la fin du mois d’août, le temps d’un déjeuner : elle me susurre à l’oreille le doux mot d’anthropologie, qui ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd. Au mois de septembre, quand surviennent les attentats de New York, je suis en stage dans un laboratoire d’optique quantique : dans une cave au troisième sous-sol où l’on ne capte pas la radio (ce détail résume tout…). Au mois d’octobre je rends visite à la jeune fille, lui déclare ma flemme : l’affaire est conclue. Dès mon retour à Paris, j’annonce ma reconversion à la Direction de l’École, et suis accueilli à bras ouverts par le département de sciences sociales((Je maintiens néanmoins un stage de recherche de six mois en physique de la matière condensée, au laboratoire Cavendish de Cambridge au Royaume-Uni ; ce n’est que l’année suivante que j’intègrerai formellement le département de sciences sociales et la licence d’ethnologie à Nanterre.)). La relation avec la jeune fille ne durera finalement pas longtemps, mais peu importe : un cap a été franchi enfin, qui rend inconcevable tout retour en arrière. Dans cette étape, le regard de Van der Keuken m’a accompagné. | Un an plus tard à l’automne 2001, ma vie a totalement changé. Une jeune fille y a contribué - pour tout dire un peu à son insu : une étudiante étrangère de formation littéraire, rencontrée au cours d’arabe, qui participe au mois de juillet à notre séjour linguistique au Yémen. La dernière nuit avant mon vol retour, nous mâchons le qat ensemble sur la terrasse d’une maison tour. Je la revois à la fin du mois d’août, le temps d’un déjeuner : elle me susurre à l’oreille le doux mot d’anthropologie, qui ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd. Au mois de septembre, quand surviennent les attentats de New York, je suis en stage dans un laboratoire d’optique quantique : dans une cave au troisième sous-sol où l’on ne capte pas la radio (ce détail résume tout…). Au mois d’octobre je rends visite à la jeune fille, lui déclare ma flemme : l’affaire est conclue. Dès mon retour à Paris, j’annonce ma reconversion à la Direction de l’École, et suis accueilli à bras ouverts par le département de sciences sociales((Je maintiens néanmoins un stage de recherche de six mois en physique de la matière condensée, au laboratoire Cavendish de Cambridge au Royaume-Uni ; ce n’est que l’année suivante que j’intègrerai formellement le département de sciences sociales et la licence d’ethnologie à Nanterre.)). La relation avec la jeune fille ne durera finalement pas longtemps, mais peu importe : un cap a été franchi enfin, qui rend inconcevable tout retour en arrière. Dans cette étape, le regard de Van der Keuken m’a accompagné. |
| Il faut dire que j’ai très vite abandonné toute prise de vue, après le « choc sensuel » qu’a représenté deux ans plus tard mon premier terrain yéménite : une perte d’intérêt pour le travail visuel en général, au profit du versant le plus théorique des sciences sociales. Violemment pris en otage par l’écriture, je me suis efforcé par l’analyse de retrouver les chemins de l’interaction, les chemins du réel, en labourant inlassablement le carrefour de [[fr:comprendre:contextes:hawdh_al-ashraf|Hawdh al-Ashraf]], lieu de mon premier séjour. Dans cet apprentissage, avoir un appareil entre les mains aurait été plus encombrant qu’autre chose. Les écrits de Van der Keuken étaient dès lors sans objet, comme théoricien de la prise de vue ou comme transmetteur d’un savoir-faire artisan.\\ |