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Vacances prolongées
(De grote vakantie), 2000, 145 min.
Dernier film achevé de Johan Van der Keuken, par lequel j'ai connu son travail.
⇒ Visionnable en ligne ici.
Ma rencontre avec Johan Van der Keuken
J’étais un jeune étudiant en physique, photographe amateur depuis l’adolescence, comme il en existe beaucoup. En première année de classe préparatoire scientifique, j’ai commencé à apprendre l’arabe, tandis que mon père luttait contre le cancer. Un père lui-même physicien (voir sa notice nécrologique), avec lequel j'avais grandi dans une grande proximité intellectuelle, mais pas encore dans des rapports d’adultes. Il est décédé à 51 ans à peine, en juin 1999.
Je n’avais pas même dix-neuf ans, et je me retrouvais avec cette « boule » de vécu indicible :
- une culpabilité rétrospective, d’une part, pour mon insouciance avec mon père dans ces derniers moments ;
- une honte rétrospective, d’autre part, pour mon comportement souvent péremptoire avec Mohammed Amine, mon jeune camarade tunisien - « blédard » égaré au lycée Louis-le-Grand, qui m'avait permis de tenir debout dans cette période.
Naissance d’une conscience politique, combinée à l’expérience intime de la mort d’un proche, dans une imbrication étroite que j’avais la plus grande peine du monde à démêler (je passais beaucoup de temps chez le psy…).
Là-dessus arrive Vacances Prolongées, que je découvre à sa sortie en novembre 2000. Identification très forte à ce film : un regard qui me tendait la main dans ce moment difficile, et qui m’a accompagné toute cette année 2001, décisive pour moi. Année de ma socialisation parmi les élèves du cours d’arabe, souvent de formation littéraire*, face auxquels Van der Keuken est mon ami imaginaire ; année de mon premier voyage au Yémen, en juillet 2001, suivi des attentats de New York en septembre, et enfin ma première petite amie - ouf ! Et juste après, la décision de partir vers l’anthropologie.
Après quoi j’ai commencé à lire des sociologues, dont les regards m’ont accompagné : Bourdieu d’abord, puis Gregory Bateson de plus en plus (il y a des rapports théoriques étroits avec Van der Keuken), la bonne étoile qui m’a accompagné.
J’ai cessé toute prise de vue après mon premier séjour de terrain et mon premier passage à l’écriture : il était évidemment impossible de faire les deux à la fois. Mais je réalise aujourd’hui combien son influence reste prégnante dans mon travail, jusque dans mes obsessions théoriques, ou dans des tiques d’écriture qui me sont difficilement supportables. De nouveau à 43 ans, je me sens un peu moins seul de l’avoir retrouvé.