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Les sens du mot Za’îm

On peut traduire Za’îm par « Leader ». Mais les mots se trouvent toujours chargés de significations plurielles, parce qu’ils s’inscrivent simultanément dans plusieurs métacontextes* discursifs et logiques.

Le nationalisme arabe

Une dimension du mot, qui m’échappait dans les premières semaines, est son inscription dans la mémoire du nationalisme arabe. Le mot Za’îm évoque la grande époque du Président égyptien Gamal Abdel Nasser (1918-1970), héros de la lutte contre l’impérialisme européen.

Témoignages sur la nationalisation du canal de Suez, et l'accession de Nasser au statut de Za'îm (13'05 à 15'46).

Un sobriquet affectueux

Dans le Yémen du début des années 2000, il circule comme un surnom affectif - de même que « le Docteur », « le Professeur » ou « l’Avocat Untel » - l’épithète restant associé à la personne sans qu’il n’y ait aucune institution réelle derrière ce docteur, ce professeur et cet avocat. D’ailleurs à l’origine, le mot Za’îm était attaché à Fuwwâz, l’un des amis de Ziad à l’université. « Ziad, c’était l’Officier », me dit Bassam le 18 septembre

Un sens transformé par l’enquête

Le surnom Za’îm s’est transféré vers Ziad seulement dans le contexte de mon enquête, l’arrivée imprévue de cet Européen en quête d’apprentissage. Peut-être parce que je leur semblais malléable : tel que le monde pouvait apparaître aux nationalistes arabes, vers le milieu du XXe siècle. Mais bien sûr, cette signification est de l’ordre du non-dit. La définition que j’enregistre, et que je présenterai ensuite dans mon mémoire (p. 43), prend une dimension islamique beaucoup plus marquée. Une islamité qui prend en fait sa source dans mon propre regard, et qui rencontre le répertoire musulman du sens commun - mais cette rencontre fera finalement l'objet d'un déni, de ma part et de la société locale, indissociablement.

Le Za’îm comme Imam

Dans mon mémoire, le Za’îm se rapproche de l’Imâm, une autorité d’ordre politique et spirituel, dont l’aura est d’autant grande, d’autant plus authentique, qu’il ne transigera pas avec l’Européen. C’est bien ce récit-là que je construis a posteriori. Mon Za’îm est en fait un Imam, avec lequel j’invente une relation bilatérale, d’estime réciproque et de respect - voir la dédicace de mon mémoire (p. 1) :

« Je remercie Ziad d'avoir rendu possible l'enquête en décidant de « faire avec » l'ethnologue. Je le remercie d'avoir accepté l'idée que je centre mon étude sur sa personne. Je le remercie enfin de ne pas avoir changé d'avis lorsque, après des désaccords et des disputes violentes, il est apparu évident que je n'écrirai pas la version de l'histoire qu'il aurait souhaitée[i.e. dans mon esprit : l’histoire de ma conversion]. Ziad m'a simplement demandé d'écrire avec dignité ; j'espère y être parvenu. »

Le lion

Mais mon étude ne sera pas suffisante, pour donner à Ziad la dignité qu’il conserve dans mon regard. Et son surnom les années suivantes, celui que lui donnent affectueusement les témoins de son calvaire, sa famille et ses amis du quartier, c’est « le Lion ». Un lion enfermé dans une cage, qui devient fou à force de tourner en rond - mais qui ne cesse jamais de se tenir droit, d’impressionner par la noblesse de sa crinière (vidéos sur la page de Ziad sur le wiki). Un drame que les Yéménites identifient parfaitement et qu’ils comprennent, sans avoir besoin de me lire. Pour eux l’image parle d’elle-même : comme l’ours blanc dérivant sur sa banquise, ce lion est un signe des temps.
Pour moi, il est plus compliqué de comprendre cette cage : c’est l’énigme de tout mon travail ultérieur. Les seuls barreaux que je perçois sont ceux de mes écrits, mais il y a évidemment autre chose. La structure logique de cette cage était déjà présente avant mon passage à l’écriture. D’une manière ou d’une autre, ce premier mémoire doit nécessairement en témoigner.

Jésus

La définition donnée dans la section 6 (p. 43), déjà citée à l'entrée de cette section, ne relève donc pas d'une « conceptualisation par Ziad de la figure du Za’im ». On y reconnaît parfaitement la description du Prophète dans le catéchisme musulman de base. Un catéchisme en circulation, où le mot « Za'îm » a été substitué au mot « Imam » : c'est là le seul génie de Ziad, et sa seule responsabilité. Un acte qu'il ne peut simplement pas avoir décidé de son propre chef (voir les contraintes associées au syllogisme), mais il endosse cette responsabilité pour les autres. C'est sans doute pourquoi dix ans plus tard (à partir de 2012), dans le contexte postérieur à l'enlisement de la Révolution, Ziad commencera à se prendre pour Jésus ('Isa en arabe).

Syllogisme (lecture suggérée)
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fr/zaim/sens.txt · Dernière modification : 2023/05/23 15:18 de mansour

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