Table des matières

Termes arabes

Inauguré le 20 février 2020, fonctionne comme le glossaire des termes scientifiques, mais pour les termes arabes (c'est-à-dire indigènes* selon la terminologie ethnographique, relevant du contexte local de l'étude).
Dans le corps du texte, les termes sont indiqués par un petit cercle (°) doté d'un lien.

'Âqil

Le 'âqil (littéralement : « doué de raison ») désigne un représentant local de l'administration - une sorte de « sheriff »… Le prétendant à cette fonction doit rassembler la signature des habitants, et faire valider son élection par les autorités.

· 2023/06/21 17:26

Fitra

Le terme arabe fitra désigne l’état d’une créature à sa naissance, tel que voulu par le Créateur au terme du développement embryonnaire. Le terme a également le sens d’intuition, de connaissance intuitive des choses.
L’islam considère judaïsme et christianisme comme des religions qui éloignent l’individu de sa prime nature (cela vaut a fortiori pour le zoroastrisme et les cultes non-monothéistes). En ce sens, tout enfant naît dans l’islam, avant que son environnement social ne le modifie pour l’inscrire dans son groupe. Par contraste, la sharia est conçue comme un ensemble de règles ayant pour finalité ultime de maintenir l’homme dans sa fitra, soit dans la connaissance intuitive des choses, et notamment de sa filiation.

Entrée « Intersexuation » du glossaire.
(…) / Termes arabes

· 2023/09/09 11:53

Hâra

On doit distinguer entre :

  • le quartier d'habitation, comme le quartier al-'Â'idî, avec interconnaissance des familles, et à sa tête un sage° ('âqil) ;
  • le secteur urbain, comme le Hawdh al-Ashraf, plutôt centré sur des lieux publics (carrefours, souks et avenues commerçantes).

Le terme arabe hâra est utilisé dans les deux cas, mais je m'efforce de réserver le terme quartier au premier cas.

· 2023/09/09 11:56

Khunth

= Entrée des termes arabes.
Voir aussi l'entrée du glossaire et le sommaire intersexuation Sommaire intersexuation

Une parole rapportée de Aïcha, l’épouse du Prophète, raconte l’instant de son dernier soupir : « Alors, il s’est intersexuéfv7 entre mes bras… ».
Le mot arabe inkhanatha (7ème forme verbale dérivée de la racine trilitère kh-n-th) exprime la manière dont le corps se ramollit soudain, perd sa tonicité vitale, et tombe ainsi dans l’intersexuation.

Le mot khunthâ (forme nominale simple de la même racine trilitère) est la traduction arabe usuelle du concept d’intersexuation, développé par la médecine européenne vers la fin du XIXe siècle : scientifiquement, on parle d’intersexuation lorsque les caractères sexuels biologiques d’un individu - ses organes génitaux et ses gonades (testicules/ovaires), ses chromosomes et ses taux d’hormones… - présentent une configuration statistiquement atypique, qui empêche son classement univoque dans l’un des deux sexes.
Mais au XXIe siècle, le débat public se focalise plutôt sur le « respect des personnes intersexuées ». Le mot intersexuation a perdu sa connotation médicale, pour acquérir une richesse de significations éthiques et philosophiques, liées au refus du binarisme sexuel.
Dans ce contexte les groupes militants arabes, par adhésion idéologique à l’Occident (ou peut-être par paresse intellectuelle), avancent des traductions imitant le fonctionnement des langues latines telles que thanâ’iyyat al-jins (ثنائية الجنس) - littéralement « dualité du sexe », expression forgée sur le modèle d'inter-sexuation. Mais la racine arabe kh-n-th exprime déjà l’intersexuation pour elle-même, sans le binarisme de la construction latine. Pourquoi ne pas reprendre le mot arabe khunthâ, puisqu’il s’agit de retourner le stigmate, de réhabiliter une notion d’honneur et de respect ?

⇒ Afin de restituer la cohérence sémantique de la racine arabe trilitère (kh-n-th), l’ensemble des termes dérivés seront traduits en français par le mot intersexuation (voir glossaire), surmonté d’un lien en exposant, indiquant la forme verbale considérée.

Intersexuation, en lieu et place des notions disparates qu’on utilise d’habitude : féminisation, efféminement, mollesse, homosexualité, hermaphrodisme, inversion, pénétration, débauche, prostitution, corruption, désordre…

Si mon enquête avait traité des questions de mœurs ou de sexualité, ces distinctions auraient été indispensables. Mais ma réflexion n’a jamais porté que sur le statut de l’observateur : en quoi la catégorie indigène* de makhnâtha pouvait-elle s'appliquer à mon comportement ? Dans quelles circonstances y avais-je été assigné ? L’intersexuation m’intéressait en tant que place occupée par l’ethnographe*, synonyme de honte mais aussi de fierté, dans un système catégoriel dont il s’agissait de comprendre la logique, plutôt que de le condamner par avance.

· 2023/09/11 09:26

Mamlaka

(Za'îm pointe ici également)

Mamlaka signifie royaume. Lors de mon premier séjour, on surnommait ainsi la pièce de Ziad, son monde à lui.

Finalement toute mon enquête à tourné autour de ce lieu et de ces deux mots : Mamlaka, Za'îm. Je les prononçais tellement que ça posait problème, à cause des résonances politiques :
- al-Mamlaka, c'est d'abord le royaume voisin d'Arabie Saoudite ;
- al-Za'îm, c'est d'abord la figure de Jamal Abdelnasser.
Moi j'avais le nez sur le guidon : ma petite immersion, mon petit échantillon. Mon enquête avait des résonances politiques que je ne maîtrisais pas, que je laissais assumer aux autres.

Dans ma maîtrise, le terme n'est pas traduit, ce qui m'a été reproché par Florence Weber au moment de la soutenance. Un terme non-traduit, tout le long du texte, trahit souvent un noeud qui n'a pas été analysé.
Le terme mamlaka faisait-il déjà référence à la folie de Ziad? Dans ma culpabilité, très certainement.

· 2024/02/15 11:26

Mawla

Le terme arabe mawlâ (pl. mawâlî) au participe passé, signifie « rapproché de », « ami de », « protégé par » - le wâlî étant au contraire celui qui protège, au participe actif, soit le patriarche.

Dans les premiers siècles de l’islam, lorsque le pouvoir était détenu par les conquérants arabes (dynastie ommeyade ), les mawâlî étaient des esclaves affranchis. Participant à la conquête et à la dynamique de l’islam après leur conversion, ils restaient néanmoins affiliés à leurs anciens maîtres, dont ils portaient le nom de famille (comme dans l’Europe pré-moderne). Avec la dynastie abbasside , les mawâlî deviennent sociologiquement majoritaires, mais le rapport de clientèle structure encore la société - jusqu’à l’époque contemporaine, malgré sa marginalisation par le vocabulaire de l’État-nation (qui ne reconnaît d’autre protecteur que l’État, en principe).

Mieux comprendre le lien social à Taez, en étant au clair sur ma propre dépendance : c’est le pari de la réflexivité* ethnographique. Dans une anecdote de 2008 (peu après ma conversion), Yazid me désigne comme le « fils » (walad) de son frère Ziad, dans un sens équivalent. Entre temps Ziad a perdu sa position dans la famille, il finira par se déclarer chrétien, donc la situation est plus complexe en réalité. Mais toute dette ethnographique débouche sur un lien social, dont l’anthropologue a pour tâche d’établir l’objectivité.

· 2023/03/28 18:13

Nizâm

En contexte yéménite la notion de régime (nizâm en arabe), issue des sciences politiques, implique tacitement une perspective bien particulière associée à ces dernières. Invoquer le « Régime », c’est parler du pouvoir de l’État dans le langage des institutions internationales, ce qui n’est jamais un acte anodin. L’analyse anthropologique permet de montrer l’imbrication étroite entre régimes politiques arabes postcoloniaux et régime épistémologique des sciences sociales postcoloniales*. En ce sens, le spécialiste du Yémen commet une erreur de type logique*, lorsqu’il parle du « Régime » comme d’une chose extérieure à son propre point de vue.

· 2023/09/09 11:55

Qariyya

Le terme arabe qariyya, que l'on traduit ordinairement par « village », désigne une entité géographique plus large d'habitat dispersé. En fait on parle plutôt d'une « vallée » - contreforts inclus, car l'habitat ne se concentre pas au fond des vallées, contrairement aux montagnes françaises. Au Yémen, c'est le haut des montagnes qui est le plus prisé (plus frais, moins de mélange avec les populations voisines), sauf dans des cas particuliers comme Qadas, où la description comme vallée est la plus adéquate.
Le village fait aussi office d'appartenance tribale dans la région de Taez, car la morphologie tribale au sens strict est moins marquée qu'ailleurs (on ne connait pas ses ancêtres sur vingt générations…).

· 2023/09/09 11:58

Râzim

En dialecte yéménite, le terme désigne un cauchemar de type bien particulier, où le dormeur subit une sodomie.
La centralité de ce thème me semble révélatrice des contraintes imposées aux Yéménites par le régime postcolonial tardif* (jusqu'à 2011), et éclaire plus généralement la condition de musulman diplômé*.

· 2024/03/07 09:40

Shaqi

Traduction du mot arabe shâqî (pl. shuqât), littéralement « celui qui peine ». Dans le Taez des années 2000, le terme désigne le travailleur manuel isolé en ville, qui vend sa force de travail dans l'espace public. Le terme comporte :

  • une connotation positive : les mérites du travailleur, en lien avec une revendication de justice sociale ;
  • aussi une connotation plus ambiguë : le shâqî, c'est le « damné » d'un point de vue religieux, et l'isolement social n'est jamais complètement innocent, dans la logique de la société yéménite.

C'est cette complexité que je m'efforce de démêler en 2004 pour ma seconde enquête (DEA), avant d'évoluer vers les problématiques de vulgarité.

· 2023/07/02 12:12

Shaykh

En arabe shaykh, pluriel shuyûkh. Désigne à la fois le chef d'un clan patriarcal - le mot veut aussi dire « vieillard » - et une autorité religieuse.
Dans le contexte de l'islam de France j'utilise l'orthographe chouyoukh (plutôt que cheikhs avec un s). Ça ne figure pas au dictionnaire mais c'est bien du français, en arabe dans le texte.

· 2024/10/09 12:04

Shirk

J'insère ici l'entrée idolâtrie du glossaire :

Dans les traditions monothéistes, l’idolâtrie désigne le culte rendu à l'image d'un dieu (peinture, statue, idole…) comme si elle était le dieu en personne.
En islam, l’idolâtrie correspond à la notion de shirk (شرك), ou péché d’association : le fait d’associer à Dieu une autre entité, afin de lui vouer un culte compatible avec ses propres passions. On lui oppose le tawhîd (توحيد), un effort d’unification des pratiques d’adoration dans la perspective du Dieu unique.

Au deuxième siècle de l’islam, le christianisme traverse la crise iconoclaste : une profonde crise politique et existentielle, portant sur le caractère licite de la vénération des images. Face aux défaites militaires contre les Arabes, plusieurs dirigeants se laissent convaincre que l’Empire s'est attiré la colère de Dieu. Mais finalement, le deuxième concile de Nicée (787) impose dans l’orthodoxie le caractère licite des images, en les reliant à la notion d’incarnation. Bien entendu, les livres d’histoire racontent cette crise sans la relier à la concurrence spirituelle musulmane, mais comme une « crise de maturité » autonome du christianisme, que l’islam devrait nécessairement traverser à son tour…
Il n’en demeure pas moins que l’image en elle-même ne suffit pas à faire science - sans critique épistémique des représentations, débouchant sur une forme d’unification théorique. Ce principe est singulièrement mis à mal dans les sciences sociales de l’ère postcoloniale tardive*.

· 2023/07/16 13:07
· 2024/09/06 10:05