19-27 août 2023 : je tente de remembrer et d'unifier différentes ébauches de modélisation, afin de renouer le dialogue avec cette branche de la physique qu'on appelle Systèmes complexes (cf l'émission La méthode scientifique sur France Culture en 2020).
⇒ J’exhume Le Hawdh comme arène d'apprentissage (partie 3). Effectivement en 2006, à l'ère de ma jâhiliyya°, l'approche relevait bien de systèmes complexes.
Pendant ma thèse (2005-2013), on m’entendait parler d’homoérotisme* et on disait « Il lui est arrivé quelque chose là-bas sur son terrain »… Or justement, ça n’est pas arrivé sur mon terrain. C’est arrivé dans la Capitale Sanaa, avant que je prenne l’avion du retour. J’ai fait ça à leurs yeux à tous, avec un ancien du quartier qui ne comprenait rien à la situation (Waddah), puis moi-même j’ai perdu connaissance. J’ai été rattrapé par ma culture d’origine, avec son binarisme* (sexuel) et son dualisme* (corps/esprit). J'ai écrit une bonne maîtrise, mais moi-même je ne comprenais plus.
Pour reprendre pied progressivement, j’ai commencé à percevoir et à interagir sur la base d’un petit modèle très simple, caricatural, qui combinait études de genre et physique des transitions de phase* :
(↑) = individu sexuellement actif
(↓) = individu sexuellement passif
(○) = contexte de la métaphore sexuelle
À travers ce modèle, je mobilisais ma formation de physicien : savoir poser des modèles, et en même temps m’en méfier énormément. Garder une conscience aiguë de ma propre vulgarité intellectuelle :
En tous cas ce détail est crucial, sinon ma recherche n’aurait pas été possible : ce n’est pas moi qui avais introduit cette vulgarité sur le terrain.
J'avais été doublement pris en otage lors de ce premier séjour (2003) : par la sociologie d’une part, les mots que je posais moi-même dans mes carnets, et d’autre part par la modernité* yéménite. Non seulement par mon regard d’observateur occidental*, mais aussi par l’usage que les Yéménites en faisaient. Au sortir de cette expérience, j’avais été roulé dans la farine, je le savais au fond de moi. J’ai fait en sorte de m’en souvenir (octobre 2003) : j’ai mis « un pied dans la porte », instinctivement. Et ce geste m’a sauvé.
Ainsi le Hawdh al-Ashraf, les années suivantes, est devenu ce lieu où ma recherche était possible : où l’on savait que cette vulgarité, que je portais dans mon propre corps, n’était pas seulement la mienne, ni celle de tel ou tel groupe particulier. Au fond, la société yéménite m’a appris à porter cette vulgarité - ou plutôt cette intersexuation* : à la porter positivement, comme un sens de l'honneur*.
Avec trois mois d'immersion chaque année (en moyenne), le modèle se construit dans une alternance d'allers-retours : une expérience d'immersion sur le terrain, puis un paradigme pour en rendre compte (élaboré pendant l'année universitaire), dont les limites sont à nouveau mises à l'épreuve le terrain suivant, etc..
Les sciences sociales sont-elles des sciences ? « La science construit des choses qui tiennent. » (écouter à 6'23 / site de l'émission)
La vulgarité, c'est cette frontière sociologique que j'ai eu besoin de postuler dans ma maîtrise, à travers l'hypothèse du stigmate. Mais au fond de moi, je savais très bien ce qu'elle recouvrait… Et la décennie suivante, c'est ce qui m'a permis de dire autre chose.
Le lien entre interaction et histoire sociale, tel que je le conçois au sortir de mon DEA (Schéma tiré d'une intervention de février 2006, juste avant le départ pour mon troisième terrain). J'ai passé l'année de DEA à explorer les paradigmes de la microstoria*, c'est-à-dire la possibilité d'une approche réductionniste*, expliquant le macro à partir du micro, ou inversement, le micro par le macro. Cette approche est visible dans ma relecture de l'histoire du Za'îm (l'article tiré de ma maîtrise).
Pour autant à l'automne 2005, je prends acte de l'impasse. Et malgré une soutenance de DEA catastrophique, je reste inscrit en thèse avec Jocelyne Dakhlia (historienne et anthropologue de formation très littéraire). Je veux en effet rompre avec mes théories physiciennes de l'histoire sociale, et ouvrir franchement la thématique de « l’homoérotisme »*.
En fait je n'ai pas cessé d'être physicien, mais c'est l'introduction du 3e terme de mon modèle : (○) = contexte de la métaphore sexuelle
Systèmes complexes : Analogie avec le moment fondateur, le renoncement à l'ambition réductionniste au profit d'une forme d'émergence, impliquant aussi le regard de l'observateur (écouter à 10'20 / site de l'émission).
Rétrospectivement, ce volte-face apparaît lié à l'intuition du Printemps Arabe* à venir. Car cette vulgarité (dont je tentais de comprendre l'irruption dans ma recherche et dans ma vie) était la trace d’une chute, l'emballement fugace vécu lors de mon premier terrain : « un petit printemps arabe dans un verre d'eau », comme je l'ai qualifié bien des années plus tard. Emballement mystérieux à l'époque, mais dont je percevais tout de même la dimension processuelle. Je m'étais donc mis en quête de ce mystérieux phénomène, avec mes interlocuteurs, à travers une question théorique : la vraie nature du Social*, la vraie nature du point de vue sociologique*. Le Hawdh était probablement le laboratoire idéal pour poser cette question. Et j’avais ressorti certaines habitudes intellectuelles, liées à l'étude des transitions de phase…
Variations sur le modèle d’Ising
(textes de janvier 2023, pour une amie philosophe).
Mais quelque chose ne collait pas avec le modèle d’Ising*, et dans mes explications « physiciennes » de l’histoire sociale de Taez. En effet, je n’avais pas de raison de postuler la désunion à l’échelle macro-sociale (même si je l’avais fait dans ma maîtrise, à travers l’hypothèse du stigmate). Ce qui m’intéressait, c’était de comprendre la désunion produite par l’observateur, et d’apprendre à la dépasser à partir de l’interaction micro-sociale, en retrouvant l’aisance de mon premier séjour. J’essayais de remonter à bicyclette, en pédalant sur mon modèle rouge et bleu, mais l’horizon n’était que vert. En bicyclette comme chacun sait, il faut regarder au loin.
Dans une société globalement unie, j’étudiais des « bulles de vulgarité », comme celles qui se forment sur les parois d’un verre de coca cola. Je tentais de comprendre pourquoi ces bulles, mais je voyais bien qu’elles disparaissaient très vite, qu’elles ne s’accumulaient nulle part - contrairement aux spécialistes qui prédisent toujours la guerre civile parce qu’ils observent le monde à partir d’une bulle et intègrent* les phénomènes n’importe comment…
Dans cette troisième étape, la modélisation repose sur le croisement entre mon expérience d'apprentissage et celle d'autres jeunes yéménites ordinaires (dont la commensurabilité est postulée). D'où la phrase de Lotfi : « On lui apprend l'intersexuationf0 afin qu'il sache se défendre… ». Je conçois la makhnatha comme une sorte de jeu, qu'il faut apprendre à jouer pour survivre en ville (j'avais en tête le précédent de Loïc Wacquant, qui part apprendre la boxe à Harlem…).
Bien sûr, ma traduction par « intersexuation » est très récente. Je ne me pose pas le problème de la traduction dans mes premiers écrits, qui sont adressés à ma directrice de thèse. Par la suite j'utiliserai le terme « homoérotisme »* (tiré du monde académique) ou je tenterai des néologismes tels que « salope-rie », pour atténuer un peu la vulgarité du terme. Dans l'extrait ci-dessous, je mobilise la notion sociologique d'individuation :
Ville et individuation : les campagnards à l’école de la ville.
C’est précisément le « manque d’expérience de la makhnatha » qui fait de la ville un milieu hostile pour les jeunes villageois qui y débarquent pour la première fois. (…) Si le villageois passe pour un « pauvre bougre » (maskîn), incapable d’employer la ruse pour accéder à une meilleure situation, c’est parce que son manque d’expérience se confond avec un déficit de pouvoir séducteur. Les boutades de genre (kabsh, ‘ash’ush…) en sont un bon indice, puisqu’elles sont généralement maîtrisées imparfaitement par les hommes de peine. Lorsqu’ils cherchent à instaurer avec moi une relation de complicité, ces villageois utilisent la proposition très convenue de me marier à une Yéménite ou à une femme de leur village - proposition qui fait figure de formule de politesse. De manière plus subversive, les plus jeunes (généralement non mariés) m'invitent à « fantasmer » moi aussi sur la démarche chaloupée d'une passante intégralement voilée. Mais chez les jeunes citadins, on va bien au-delà d’une sociabilité qui prend les femmes pour alibi… sans parler des « filous » les plus débrouillards sur le rond-point : à côté de leur regard ardent et de leurs suggestions insidieuses, les villageois font figure de « petits-joueurs » !
Dans ce contexte, que l’on peut qualifier de surenchère « homoérotique », on observe très souvent des nouveaux-venus « se mettre à l’école » de l’un de ces citadins au sourire carnassier… Dans le petit groupe qu’ils forment, les boutades de genre sont le support de cette initiation : les villageois les apprennent, se risquent peu à peu à les employer, faisant à chaque fois l’expérience de situations nouvelles. Bon nombre de ces jeunes finiront par trouver une « affaire » ou par s’engager dans l’armée ; ils n’ont aucunement l’intention de faire l’homme de peine toute leur vie. Mais lorsqu’ils arrivent pour la première fois en ville, c’est-à-dire « là où ça se passe », le rond-point est une arène où ils pourront faire leur preuves, « se déniaiser ». Cet état d’esprit est particulièrement perceptible après dîner, heure où les vieux hommes de peine sont rentrés dans la locanda et où les citadins sortent prendre l’air : silencieux, assis sur le trottoir par petits groupes et les idées agitées par le qat, ils s’efforcent jour après jour, par petites touches, d’être de la partie.
Début de la section B3 : Ville et individuation (p.26).
« Autour du terme makhnatha : les questions de genre et leur laborieuse introduction » (juillet 2006)
L'extrait est tiré d'un compte-rendu de 53 pages, adressé à ma directrice au terme de six mois d'immersion, dans lequel je négocie l'ouverture de cette thématique (qu'elle a traité par ailleurs en tant qu'historienne). La lecture en est très paradoxale : il y est question de sodomie presque à toutes les pages, mais rétrospectivement je n'y vois que pudeur et respect. De toute façon, je développe surtout des scrupules et des justifications méthodologiques, une problématisation très réflexive et très détaillée, car j'ai complètement le nez dans le guidon.
Avec le recul, cette étape me semble néanmoins marquée par trois écueils, que j'ai pu surmonter par la suite :
Je suis persuadé que le processus de modernisation est inéluctable, et que les Yéménites finiront par développer une éthique de la sincérité :
Dans un contexte qui, soudain, incite à la constitution d’amitiés particulières, le manque de « sincérité » n’est pas encore envisagé comme un défaut en soi (indépendamment de l’idée de déviance sexuelle). Sans doute ce n’est pas tant du fait de l’absence d’un concept dans la culture yéménite, qu’à cause du climat d’étrangeté culturelle dans lequel s’effectuent les relations sociales : rien n’est plus difficile que d’apprécier la « sincérité » d’un étranger, ou simplement de s’identifier à lui. Par ailleurs on voit bien dans le cas de Ziad combien les antagonismes sociologiques, quels qu’il soient, fonctionnent comme alibi dans les relations affectives. Cela paraît indissociable de la règle, encore vivace, selon laquelle les actes d’un membre engagent le collectif dans son ensemble, qui s’oppose au principe d’une responsabilité personnelle. L’évolution des mentalités, dans ce domaine, semble conditionné à l’émergence de valeurs que Ziad, à lui seul, ne peut inventer.
Conclusion de la partie B (p.35).
À un niveau subconscient, ce texte cherche à comprendre le drame qui est en train de se jouer. Je cherche à comprendre la folie de Ziad (je ne suis pas encore au courant de son impuissance sexuelle, qui sera ensuite rendue publique, mais je le sais déjà au fond de moi…). Je cherche à comprendre la tension sexuelle de mes rapports avec son cousin Ammar, qui monte jusque dans ma chambre d'hôtel pour tenter de me sodomiser (il a une légitimité totale pour monter dans l'hôtel : à leurs yeux à tous, c'est la seule manière de régler le problème…) - cf. partie B3.2 « le charme du malin » (p.26). Je cherche à comprendre ma propre ambivalence dans ces relations : bref, à comprendre ma place dans le système de places local (voir méthodologie).
Mais comme je n'ai pas encore pris acte de cette responsabilité, j'ai besoin de construire des figures sociologiques, et de les plaquer ensuite sur ces personnes, qui sont en fait mes vrais alliés*. La construction du texte en témoigne :
La démonstration est implacable, sauf qu'elle fonctionne à contre-sens : je construis des figures sociologiques que je plaque ensuite sur mes alliés, alors qu'il faudrait faire l'inverse. En termes formels, il y a là une erreur de type logique* (voir glossaire). Ou dit autrement, je scie la branche sur laquelle je suis assis.
Très frappante également à la lecture, mon impunité totale. Tout se passe comme si ma confession d'homosexualité m'avait complètement absous (à la manière d'une confession de foi…). Bref j'évolue dans une bulle, qui ne se réduit évidemment pas à mon « orientation sexuelle », mais qui repose sur des structures bien plus profondes (cf La bulle (synopsis)).
Bien entendu, cette démarche se fait aux dépends de Ziad et de son frère aîné Nabil, coupables idéals pour incarner la « violence sexuelle du régime ». Mon intention d'origine était de renouer l'alliance avec Ziad et son milieu, dans les premières semaines de ce troisième terrain (février-mars 2006). Mais là encore, je suis finalement acculé par un certain nombre de circonstances : rumeurs infamantes propagées sur mon compte ; Ziad qui prend ma défense mais fait finalement volte-face, après l'épisode énigmatique des idoles préislamiques…. Je fais face à un non-dit, dont je n'arrive pas à saisir les contours, mais où la folie de Ziad apparaît comme un encouragement tacite.
Et finalement envers Ziad lui-même, j'adopte ici la posture moralisante que tous les Yéménites attendent de moi (parce que l'Occidental doit appartenir à tout le monde…) :
« Pour tenter de garder la main lors de mon terrain de 2003, [Ziad] ne se prive pas d’utiliser la propension de son entourage aux cachotteries, mensonges et autres coups-bas. Ses grands principes perdent toute crédibilité dans cet épisode, qui aboutit à un déferlement de makhnatha parmi les jeunes du quartier. Il préfère se retirer au village et ne se déplacera même pas lorsque son propre frère, drogué, menace de me violer. » (p.34)
Posture moralisante dont la pierre angulaire est la diabolisation de Nabil, figure du régime honni, à travers la pseudo-tentative de viol du 29 septembre 2003. Tout volera en éclat après la mort de ce dernier, suivie de l'internement de Ziad, et enfin l'incendie de la maison familiale, le jour de mon retour un an plus tard (le 19 août 2007). Dans mon schéma, Nabil n'était pas censé mourir, le Régime n'était pas censé s'effondrer…
J'avais tout fait pour conjurer l'inévitable - ce compte-rendu de 2006 en témoigne. Mais mes palabres académiques sur « l'homoérotisme », en juin 2007, n'étaient évidemment pas à la hauteur de la situation. Aux uns et aux autres, j'arrache finalement ma conversion à l'islam, comme une dernière dignité. Car je n’avais jamais cessé de rechercher le contexte de notre histoire, à travers le troisième terme de mon petit modèle (○).
Seize années se sont écoulées depuis ma conversion à l'islam, et combien de bouleversements sociaux et géopolitiques - mais l'enjeu de mon travail a toujours été le même : construire les conditions d'une réception de cette histoire.
À ce jour ni les sociologues, ni les Yéménites, n'ont eu vraiment envie d'entendre cette histoire, d'avoir accès à ces matériaux - dans lesquels je le répète, il n'y a que pudeur et respect…
Je regrette d'avoir à prendre encore cette posture, dans laquelle on m'accuse de me complaire. Mais il y a à cela des raisons structurelles (exposées dans les sections Explorer et Valoriser). L'approche physicienne, en termes de systèmes complexes, permettra peut-être de les pointer plus élégamment.
Le cœur du problème, c'est que le monde lui-même est une arène d'apprentissage. Tous mes interlocuteurs potentiels (musulman, diplômés, musulmans diplômés…) sont eux-aussi aux prises avec des institutions, pris dans des stratégies d'ascension sociale (honneur droit) et des trajectoires d'individuation (honneur gauche)*. Notre société est tout aussi structurée que la société yéménite, elle en a juste un peu moins conscience (En Europe* plus qu'ailleurs, la structure est médiatisée par l'histoire des institutions). Porter un regard lucide sur le Hawdh des années 2000, comme une boule de cristal reflétant le monde, nous obligerait à lever les yeux sur la prostitution généralisée.
Mais qu'on veuille le savoir ou non, ces contradictions formaient le socle de l'ordre international postcolonial*, et les sociétés du Moyen-Orient les acceptaient en conscience. La stabilité du monde est un mystère que les universitaires n'ont jamais qu'effleuré, avec leur petites études sur « l'homoérotisme » et le « problème démocratique arabe » (Voir l'intuition d'origine de Jocelyne Dakhlia dans son ouvrage L'Empire des Passions paru en 2005). Le fait est que depuis 2011, le Moyen-Orient n'est plus garant de cette stabilité. Le démantèlement de cet ordre est inéluctable, qu'on veuille le savoir ou non.
(…)J’essayais de remonter à bicyclette, en pédalant sur mon modèle rouge et bleu, mais l’horizon n’était que vert. En bicyclette comme chacun sait, il faut regarder au loin.
Ziad a fait la même chose que moi, du sein de sa propre société. Derrière notre histoire, il a perçu l’horizon ; au-delà du Printemps Yéménite et d’un effondrement prévisible, au-delà des modèles dualistes qui nous aveuglent, quand on envisage des pays comme le Yémen. Ziad et moi sommes aux prises avec le réel, quand les autres évoluent dans des bulles de vulgarité.
Afin de sortir des impasses dualistes, qui m’empêchent d’écrire cette histoire depuis vingt ans, je dois proposer une théorie plus large, qui intègre dans son modèle le fait monothéiste.
La molécule d’Hémoglobine a été révélée il y a 450 à 500 millions d'années. Depuis cette époque elle remplit sa fonction : transporter l’oxygène dans le sang des vertébrés. Elle ne ressemble pas vraiment à un solide de Platon, mais elle fait le job : personne à ce jour n’a vraiment songé à la remplacer par autre chose. Il existe des variantes d’hémoglobine, qui se replient de façons différentes, mais toutes les hémoglobines sont apparentées.
(Voir également mon Chantier « Thermodynamique de l'Évolution »)
À travers le concept de Social*, comme tous les monothéismes, la sociologie est une théologie de l’intégration* (voir glossaire). La sociologie appartient à la même matrice. Or entre deux structures très proches, on constate toujours des phénomènes d’interférences, qui sont tantôt constructives (en phase) et tantôt destructives (en opposition de phase). Mon diagnostique est que la sociologie actuelle est aveuglée par ses interférences avec la matrice monothéiste*.
Pour sortir de cette situation, je propose une modélisation en deux temps :
Chaque communauté s’organise autour d’un Livre, à peu près aussi complexe qu’une molécule d’hémoglobine.
Remarque : Ce modèle est fortement inspiré par le problème des rapports entre Raison et Révélation dans la pensée sunnite orthodoxe (Ibn Taymiyya / Ibn Khaldoun - voir le travail d’Ovamir Anjum) : une fois que le Livre a été révélé, il remplit sa fonction et devient dès lors « la nature », par un argument du fait accompli (comme l'hémoglobine dans l'Évolution). Pour autant, ce modèle n'est pas spécifique à l'islam, et peut-être généralisé pour penser la diversité monothéiste (voir mon anthropologie monothéiste). C’est juste que selon l’islam, le Coran est la « vraie » hémoglobine, les autres ayant été modifiées.
Chaque type d’hémoglobine se « plie » selon une configuration qui lui est propre (= objet de la sociologie des religions), mais elles sont toutes apparentées à un niveau « moléculaire » plus fondamental (au niveau du code, qui dépasse la sociologie ordinaire), et ne peuvent donc pas être indifférentes les unes aux autres. Chaque communauté est une chambre de résonance, une « cavité optique » (physique des lasers), et restent donc « couplées » les unes aux autres, notamment à travers l’histoire des idées.
Au sein de la matrice monothéiste* (dont les sciences sociales font partie intégrante), les interférences sont tantôt constructives et tantôt destructives - comme c’est notoirement le cas aujourd’hui. Les périodes historiques (voir frise) s’interprètent dès lors comme un phénomène de battements, sur une échelle temporelle typique de quelques générations.
L’objet d’une théorie sociologique « d’ordre 1 » consistera dès lors à modéliser cette matrice monothéiste, afin de comprendre ces phénomènes d’interférence, et retrouver si possible des interférences constructives (= refonder la laïcité).
Quelques défis expérimentaux qui peuvent nous mettre sur la piste :
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